Le jardin botanique universitaire de Talence

mai/juin 2011

Historique :

Dans les années 1760, samuel peixotto (1741-1805), riche banquier bordelais, fait réaliser par l’architecte François Lhôte(1), à talence, un château entouré de jardins et y donne fêtes et banquets. La propriété est vendue par son fils, en 1810, aux frères Rodrigues-Henriques, puis passe, en 1817, aux tomassins, à la famille Anduze en 1846, au baron François Xavier de Espeleta en 1852. Ce dernier cède la partie sud à la commune qui y construit une mairie, des écoles et la place Espeleta, et la partie restante est acquise par le professeur Badal.

En 1884, la Faculté de médecine et de pharmacie de Bordeaux souhaite la création d’un jardin botanique, qui lui serait directement rattaché. Elle dispose d’un legs de Jean-Baptiste Camille Godard de cent mille francs pour créer un jardin botanique. Elle acquiert, en 1886, auprès du professeur Badal une partie de sa propriété. L’ actuelle orangerie et la serre tempérée sont construites à cette époque. La partie restante, de 4 ha, est acquise, en 1896, par le baron de Luze qui agrandit le château, puis elle passe, en 1932, à la ville de talence qui installe son hôtel de ville dans le château.

Orangerie
Orangerie

Le jardin botanique de talence connut un fort développement au début du siècle dernier. plus de 1700 espèces étaient cultivées en 1909. Les semences de 445 espèces étaient proposées en échange avec 75 autres jardins en 1937.

Le jardin tombe en désuétude pendant la deuxième guerre mondiale. Une station météorologique est réinstallée en 1950. La serre tempérée est rénovée. Une revue : Travaux du Laboratoire et de l’Institut botanique, est publiée de 1953 à 1962. Un bâtiment d’enseignement pour la microbiologie est construit, en 1964, avec une animalerie ; mais les collections botaniques restent réduites.

Serre tempérée
Serre tempérée

En 1987, une convention est signée entre l’Université de Bordeaux 2 et la commune de talence. L’Université conserve un enclos pharmaceutique de 0,25 ha pour les enseignements de botanique de la Faculté de pharmacie, et permet au grand public d’accéder aux 2,25 ha restants du jardin botanique, en échange de l’aménagement par la commune de talence de l’ensemble des terrains et de l’entretien des bâtiments universitaires existants : canalisations, clôture de l’enclos pharmaceutique, pose de plates-bandes, réfection de la pièce d’eau, de l’orangerie, des serres, etc. parallèlement, les locaux de microbiologie sont récupérés pour les enseignements de botanique, en 1992, et le jardin recouvre sa richesse scientifique d’antan. il obtient le label « Jardin botanique de France et des pays francophones » fin 2007, agrément acquis par une trentaine d’autres jardins.

Plan de l'enclos pharmaceutique, le long de la pièce d'eau
Plan de l'enclos pharmaceutique, le long de la pièce d'eau

Site d’exception :

Alors que le parc peixotto a gardé son tracé ancien de jardin à la française, le jardin botanique de talence a été aménagé dès le départ à l’anglaise. La partie publique est ouverte comme le parc, de 7 h à 19 h en hiver, et de 7 h à 21 h en été. Les joggeurs font le tour de la pièce d’eau et, par beau temps, les pelouses grouillent de visiteurs. L’îlot central, accessible par deux ponts, avec sa vue dégagée sur le château peixotto, est un endroit de prédilection pour les photos de mariage. L’îlot est entretenu, de même que la partie publique du jardin, hors plates-bandes, par les jardiniers de la ville de talence. il fait l’objet chaque année de nouvelles présentations.

Rotonde de l'îlot central avec vue sur le château Peixotto
Rotonde de l'îlot central avec vue sur le château Peixotto

Suite à la tempête de 1999, les nouvelles plantations ont respecté une zone Gymnospermes à l’est, avec une trentaine d’espèces, et une zone Rosacées à l’ouest. Les 26 platesbandes construites par la ville de talence, dont 8 ont été rénovées, présentent au grand public diverses thématiques. plus d’une centaine de Cucurbitacées y sont suivies sur plusieurs années, afin d’éviter les hybridations.

L’enclos pharmaceutique est accessible aux étudiants, enseignants, membres d’associations et professionnels en rapport avec le monde végétal. Des visites de groupes d’au moins quinze personnes peuvent être programmées sur demande, mais sont limitées en raison d’un personnel restreint : un jardinier titulaire et un CAE (Contrat d’Accompagnement dans l’Emploi) dépendant des services techniques de l’Université Bordeaux segalen avec un suivi scientifique des membres du GEsVAB – EA 3675 (Groupe d’étude des substances Végétales à Activité Biologique, directeur : pr. J.-M. Mérillon), équipe d’accueil hébergée à l’isVV (institut des sciences de la Vigne et du Vin).

Confection d'une planche d'herbier dans la salle d'enseignement
Confection d'une planche d'herbier dans la salle d'enseignement

Enseignement et recherche :

La plupart des enseignements pratiques de botanique et de pharmacie ont lieu sur place : anatomie, floristique, plantes et fruits toxiques, etc. Des expositions sont organisées pour les étudiants au premier étage de l’orangerie, où est entreposé un herbier central de 108 liasses, établi entre 1830 et 1930. Les collections renferment beaucoup de plantes : médicinales, aromatiques, industrielles, alimentaires et toxiques. Les semences de près de 400 espèces sont proposées en échange avec des institutions botaniques du monde entier, ce qui permet d’enrichir les collections.

Les herbiers des étudiants de quatrième année de pharmacie, Unité d’Enseignement officine plantes et Drogues Végétales, font l’objet d’une exposition chaque année. L’originalité et le côté artistique sont pris en compte dans la notation finale. Les thématiques abordées (cuisine, écologie, ésotérisme, flore d’un lieu-dit en France ou en métropole, herbier des cinq sens, jeu de piste, jeu des 7 familles, médecine, musique, parfumerie, sport, vigne, etc.) comme les contenants (brouette, sac-à-dos, tonneau, etc.) sont très variés, avec souvent une présentation powerpoint, voire un roman ou un site Web. L’humour n’est pas interdit, comme dans un herbier des filles et des garçons, les fleurs roses allant pour les filles et les bleues pour les garçons.

Herbier borne kilométrique clignotante d'Arnaud Moutinho, avec tiroir pour CD-ROM, loupe, thermomètre, glissière et système d'accrochage pour l'index.
Herbier borne kilométrique clignotante d'Arnaud Moutinho, avec tiroir pour CD-ROM, loupe, thermomètre, glissière et système d'accrochage pour l'index.

Un maximum de biodiversité est recherché par la culture d’au moins un représentant de chaque famille ou sousfamille. plus de 1500 espèces appartenant à près de 200 familles sont actuellement cultivées. Cette biodiversité permet des recherches chimiotaxinomiques (acides gras foliaires, polyphénols). Chaque plante est étiquetée avec indication de ses noms vulgaire, latin, et de sa famille.

Certaines plantes sont plus particulièrement étudiées. outre les Cucurbitacées, on peut citer des familles riches en stilbènes, composés polyphénoliques dont le GEsVAB s’est fait une spécialité, comme les polygonacées et plus récemment les Cypéracées.

Alain BADOC – Conservateur,

maître de conférences, GEsVAB – EA 3675, isVV, Université Bordeaux segalen

et membre de la Société Linnéenne de Bordeaux

(1) Selon le dossier réalisé par Jean-Pierre Bériac, archiviste-paléographe, docteur en Histoire, et actuellement ancien conservateur aux Archives départementales de la Gironde. Une police entre Samuel Peixotto et le jardinier Massay, pour l’entretien du jardin du 30 juillet au 15 octobre 1770, établit clairement que Lhôte était l’architecte de Peixotto et avait le jardin sous sa responsabilité (Archives communales de Bordeaux, II 172)